Pour bien des gens, le travail et le mandat des ingénieurs forestiers (et des techniciens forestiers) ont encore des côtés obscurs et une mission incomprise. Martin Larrivée, ingénieur forestier et directeur général du Syndicat des producteurs forestiers du sud du Québec, en sait quelque chose avec ses 27 ans de pratique dans le milieu. Non, ses collègues et lui ne sont pas des tueurs d’arbres ou des abatteurs de forêts.
Leur mandat? S’occuper de la santé des arbres et de nos forêts en éduquant, en conseillant et en partageant leurs connaissances auprès des propriétaires de forêts privées.
« Nous sommes en quelque sorte des médecins généralistes de la forêt, explique Martin Larrivée. On travaille avec la nature pour récolter les arbres malades et condamnés, dans le but de préserver la santé des autres arbres. Comme les médecins, on prescrit aux propriétaires de forêts des travaux de sylviculture (la culture des arbres) et des suivis à faire pour que leur travail porte fruit. »
Les arbres sont sans cesse en compétition entre eux pour la lumière, l’eau et les éléments nutritifs dans le sol. La durée d’une forêt dans le sud du Québec se situe généralement, selon le type de forêt, entre 50 et 120 ans, précise M. Larrivée. « Pour 10 000 arbres en croissance dans une jeune forêt, il n’en restera qu’environ 800 une fois la maturité atteinte », précise-t-il.
La nature élimine donc naturellement les arbres en trop, mais ne peut empêcher les maladies et les épidémies qui touchent les forêts. Par exemple, la densité d’arbres trop élevés peut causer des épisodes de chablis (arbres déracinés).
« Il y a aussi la tordeuse des bourgeons de l’épinette qui passe tous les 40 ans (papillon dont la chenille fait des ravages en forêt), ainsi que l’Agrile du frêne (un insecte qui s’attaque au frêne) qui est là depuis plusieurs années, et bien d’autres ravageurs, précise M. Larrivée. Nous travaillons pour que les pertes soient les moins grandes possible. On doit s’assurer de maitriser la situation pour limiter la propagation des maladies et épidémies à d’autres forêts, ainsi que la perte inutile du bois. »
Par la sylviculture, les arbres voués à une mort prochaine, ceux en très mauvais état ou touchés par la maladie, sont recyclés et ont une deuxième vie (papier, meubles, etc.). Les travaux de sylviculture imitent donc la nature.
Mieux comprendre les bienfaits des arbres
Au Sud du Québec, depuis 25 ans, c’est environ 6 % de la superficie forestière qui est perdu à tout jamais en raison de l’urbanisation, souligne M. Larrivée. Dans les régions plus rurales, la forêt est souvent le plus grand moteur économique après l’agriculture. Mais fait-on les choses de la bonne façon, en respectant au mieux la nature et l’environnement?
Oui, estime M. Larrivée, bien qu’il soit toujours bon de se remettre en question et de favoriser l’éducation sur le sujet.
« Le bois est un matériau neutre et plus écologique par rapport à l’acier, l’aluminium ou le béton. Il nécessite peu de consommation d’énergie fossile pour sa conception et son utilisation, en comparaison aux autres matériaux de construction issus de l’industrie minière. De plus, il s’agit d’une ressource renouvelable. Les résidus du bois ne sont pas polluants. Aussi, au sud du Québec, il y a peu de déforestation et c’est très rare de voir des superficies importantes de forêt qui ont été rasées pour changer de vocation, comme on peut le voir en Amérique du Sud. Il y a parfois des exceptions pour des développements résidentiels. Lorsqu’on déboise pour un grand stationnement, par exemple, ça fait des ilots de chaleur, mais en intégrant un peu d’arbres dans la conception, ça permet une meilleure qualité de vie. Alors oui, il y aurait davantage de travail à faire entre les divers intervenants (urbanistes, promoteurs, développeurs, etc.) et les ingénieurs forestiers, dans le but de mieux planifier le développement et pour que l’arbre soit plus intégré dans nos centres urbains. »
Pour en savoir plus sur le sujet, visionner la capsule vidéo réalisée par Agriculture Sherbrooke ici. Rendez-vous aussi sur le site de l’Association forestière du Sud du Québec.
Photo dans le texte : Martin Larrivée, ingénieur forestier et directeur général du Syndicat des producteurs forestiers du sud du Québec