Depuis 2001, l’organisme Au cœur des familles agricoles (ACFA) offre différents services d’entraide aux travailleurs agricoles, ainsi qu’à leurs proches. C’est que la fragilisation de l’agriculture, créée par de multiples facteurs, se fait sentir de plus en plus et a des répercussions considérables sur la santé physique et psychologique des agriculteurs.

Depuis quelques années, l’organisme s’est inspiré du métier de travailleur de rue pour développer un nouveau service dédié au mieux-être des familles agricoles et à leur santé mentale. En Estrie, le métier de travailleur de rang a fait son entrée en 2018. Depuis l’automne dernier, c’est Annie Larouche, intervenante en santé mentale de formation, qui occupe le poste de travailleuse de rang. Propriétaire d’une petite ferme, Annie est sûre d’être en mesure de comprendre la réalité du milieu et d’offrir aux agriculteurs l’aide et l’écoute nécessaires.

« Il y a quelques années, j’ai choisi d’arrêter de pratiquer le métier d’intervenante en santé mentale pour me concentrer sur le travail à la ferme (Annie est copropriétaire de la ferme paysanne La Bardâne, à Ham-Sud). Lorsque j’ai entendu parler du poste de travailleur de rang qui se libérait en Estrie, j’ai immédiatement eu envie de renouveler avec mon métier. Je travaille présentement 32 heures par semaine, sur tout le territoire de l’Estrie. En période de COVID-19, tout se fait par téléphone, avec Zoom ou Facetime. On se déplace aussi à certaines occasions, en prenant soin de bien respecter les mesures sanitaires. Lorsque la pandémie sera derrière nous, j’aimerais créer des petits groupes de discussion pour éviter l’isolement et faire en sorte que les gens du milieu agricole se côtoient. »

La réalité agricole et ses difficultés

Les problématiques qui touchent le milieu agricole existent depuis longtemps, bien avant que du support leur soit proposé. Avec la pandémie, certains producteurs ont vu les complications augmenter, pendant que d’autres, principalement des propriétaires de petites fermes maraichères et de proximité, ont pu ressentir les effets de la vague en faveur de l’achat local.

« Pour certains producteurs, la COVID-19 a amplifié les problèmes, surtout pour ceux qui font normalement appel à des étrangers pour le travail, en raison des frontières fermées, explique Mme Larouche. Les fermes agrotouristiques ont aussi subi de grosses pertes, puisqu’ils ne peuvent plus recevoir de visiteurs (ou sont très limités sur le nombre). Les producteurs dont les produits sont destinés aux restaurants, par exemple les producteurs de bœuf ou de porc, ont aussi connu d’importantes baisses en raison de la pandémie. Les troubles d’anxiété peuvent aussi être accentués par la situation liée à la COVID-19. »

Pandémie ou non, l’organisme Au cœur des familles agricoles (ACFA) et sa travailleuse de rang Annie Larouche sont disponibles pour tous, peu importe le secteur agricole et la problématique. Et quels sont, d’ailleurs, ces problématiques qui reviennent fréquemment et ces facteurs qui alourdissent la tâche des familles agricoles? « Pour chaque producteur, la situation est différente. Les enjeux ne sont pas les mêmes », précise Mme Larouche.

D’abord, les enjeux face à la relève peuvent amener plusieurs inquiétudes. « Les producteurs qui sont à l’âge de léguer leur ferme aux enfants peuvent se retrouver dans une situation très délicate. Par exemple, s’ils ont plusieurs enfants, mais un seul qui s’intéresse à la ferme; comment, dans ce cas, léguer les choses de manière égale? La relève n’envisage peut-être pas non plus l’avenir de la ferme de la même façon, ce qui peut causer des différends. »

Le nombre d’heures consacrées au travail et le manque d’effectifs peuvent aussi devenir une problématique. « On parle de longues heures de travail, donc c’est difficile de partir en vacances. Si un seul membre de l’équipe est indisponible ou malade, la routine peut être complètement déstabilisée. Il y a aussi de plus en plus de familles recomposées et les nouveaux conjoints, qui ne proviennent pas nécessairement du milieu agricole, peuvent se sentir perdus et abandonnés dans tout ça. »

La situation précaire pour certains, causée par une panoplie de circonstances (enjeux climatiques, concurrence des marchés, l’arrivée des nouvelles technologies, etc.) peut aussi apporter son lot de conséquences, voire même l’abandon de la ferme. Puis, il y a aussi le sujet délicat de l’intolérance et les nombreux préjugés face à ce métier qui faisait pourtant la fierté des familles à une autre époque. « Auparavant, les agriculteurs étaient fiers de nourrir les gens, mais aujourd’hui, il existe un courant d’opposition qui fait en sorte qu’ils sont parfois perçus comme des pollueurs et des gens qui maltraitent les animaux. C’est difficile de travailler aussi fort sans avoir de reconnaissance. Parfois, ils sont même gênés de dire ce qu’ils font dans la vie », indique Mme Larouche.

Voici un paragraphe que l’on peut lire sur le site de l’ACFA, qui résume bien la situation en ce qui a trait aux préjugés liés au milieu agricole.

« Alors que les générations précédentes jouissaient du respect et de l’estime de la population, le capital de sympathie des familles agricoles a fondu comme neige au soleil. Un fossé s’est creusé entre la ferme et la table, faisant naître de nombreux préjugés. Vus comme des pollueurs de la pire espèce, les producteurs agricoles accordent pourtant plus d’attention à leurs terres et à leur ferme qu’à leur propre santé. Ils ont aussi une conscience sociale et environnementale bien développée. Comme fournisseurs des produits de base de notre alimentation, ils n’ont jamais failli à la tâche. Aussi, les pratiques agricoles sont encadrées par des normes environnementales toujours plus strictes. Malheur à celui qui les contourne! »

Pour en savoir plus sur l’ACFA ou sur les services offerts par la travailleuse de rang de l’Estrie, rendez-vous au acfareseaux.qc.ca.

Photos: Agriculture Sherbrooke (Ferme Lemay et Ferme Gaston Benoit)

 

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